A CHINESE LOOK AT MONET’S « WATER LILIES »

by Ambrine Lazreug Didier

I haven’t been in China for a year, and for a few months in a museum. In both cases, I really miss the pleasure of meeting due to the impossibility of moving around. The encounter with another culture, the encounter with arts. Although, when the constraint is physical, we still have the freedom of memory and there is one memory of a meeting I would like to share.

While I was in Beijing, I contacted Yu Bo, a collector who loves France. She studied the history of art a few years earlier. Here we are, in an exciting conversation about her apprehension of Monet’s « Water Lilies », exhibited at the Musée de l’Orangerie.

Claude Monet, “Les Nymphéas ”, 1914-1926, oil on canvas, 219 × 602 cm. Musée de l’Orangerie (image libre de droit). 

Yu Bo considers this painting as the very symbol of the differences between Western and Chinese art. 

She was surprised first of all, by its format, and she questioned me about our relationship to the monumentality of art. Why are there so many masterpieces of big size in the Western art world ? By offering itself so easily to the eyes of all, doesn’t the artwork lose its sacred character ? its invaluableness ? 

In China, a traditional painting of great value is in the form of a roll. We roll it up, put it away and deploy it to only how exceptionally. It is the rarity of the moments in which it can be observed, the persons and the moment chosen, this privileged time of contemplation that accomplishes the work. The gesture of the owner of the artwork completes the intentions of the painter.

In Monet’s case, there is no room  for mystery. He gives us his vision of the landscape, without restraint. Our discussion then drifts towards the very subject of the painting. The impressionists are very valued in China because of the importance they gave to landscape. In the Western world, priority is given to the landscape unicity in time and space, whereas the Chinese artist represents the landscape changes. Yu Bo chooses the example of artist Wang Xi Men (1096–1119) and his unique masterpiece : A Thousand Li of Rivers and Mountains. 

This eleven meter long landscape is the slow unfolding of a landscape, step by step. It is not a realistic representation of mountains and rivers, but a symbolic and harmonious representation of a reality. In this painting, the scattered perspective connects the different elements (clouds, hills, bridges… ) very skilfully. As opposed to water lilie’s juxtaposition in Monet’s painting, Wang Xi Meng uses emptiness to create balance. In the water lilies, composition is intense. Every single space is full, leading us to imagine that the scene continues out of the frame. Yu Bo explains to me that just as in the art of gardening, Chinese painting is based on Taoism. Interstices are breathing moments that creates rhythm and consequently life. 

Monet’s dynamic is constructed by free forms, with no structural contour and the blending colors given to water lilies. Yu Bo feels Western painting has a more scientific approach. “Water Lilies“ represent a study of changing lights and their successive movements on water. Monet captures a living scene that he studies, freezes and immortalizes. Thus Monet chooses a hypothetical stability when Wang Xi Meng favors the transition.

Our exchange ends with the words of Yu Bo : “In my opinion, Chinese painting is a painting of suggestion of a presence, while Western painting is its affirmation.”

Thanks to Yu Bo for sharing her opinion of Monet’s « Water Lilies ».

Wang Ximeng — Wikipédia
Wang Xi Meng, “ A Thousand Li of Rivers and Mountains ”, detail, 1113, Song dynasty, portable roller, ink and colors on silk, 51.5 1 191.5 cm. Palace Museum, Beijing

Voilà plus d’un an que je ne suis pas allée en Chine et plusieurs mois également que je n’ai pas mis les pieds dans un musée. Dans les deux cas, de cette impossibilité de déplacement, le plaisir de la rencontre me manque cruellement. La rencontre avec une autre culture, la rencontre avec les œuvres. Fort heureusement, lorsque la contrainte est physique, il nous reste la liberté des souvenirs, et il y a le souvenir d’une rencontre que j’aimerais partager. 

Lors d’un passage à Pékin je contacte Yu Bo, collectionneuse et amoureuse de la France, elle a étudié l’histoire de l’art quelques années plus tôt. Nous voilà embarquer dans une conversation passionnante sur son appréhension des « Nymphéas » de Monet, exposées au Musée de l’Orangerie.

Pour Yu Bo, cette peinture est le symbole même des divergences entre l’art occidental et l’art chinois. 

D’abord, étonnée par son format, elle me questionne sur notre rapport à l’œuvre monumentale. Pourquoi les occidentaux ont-ils des chefs d’œuvres aussi grands ? En s’offrant aussi facilement aux regards de tous, l’œuvre n’en perd-elle pas son caractère sacré, sa préciosité ? 

Une peinture traditionnelle chinoise de grande valeur prend la forme d’un rouleau. On la roule, on la range et on ne la déploie pour la montrer qu’à titre exceptionnel. C’est la rareté des moments où l’on peut l’observer, les personnes et l’instant choisis, ce temps privilégié de contemplation qui accomplit l’œuvre. Le geste de celui qui possède l’œuvre complète les intentions du peintre. 

Or Monet ne laisse pas de place au mystère, il donne sans retenue sa vision du paysage. C’est ainsi que notre discussion glisse vers le sujet du tableau. Les impressionnistes, me dit-elle, sont très appréciés en Chine car ils laissent la place au paysage. Mais tandis que la peinture occidentale peint l’unicité d’un paysage à la fois dans l’espace et dans le temps, le peintre chinois lui peint ses modifications. Yu Bo choisit l’exemple du peintre Wang Xi Meng (XIIème siècle) et de son unique œuvre « Mille Lis de rivières et montagnes ».

Wang Xi Meng, “A Thousand Li of Rivers and Mountains”, detail, 1113, Song dynasty, portable roller, ink and colors on silk, 51.5 1 191.5 cm. Palace Museum, Beijing – Photo : China Online Museum

Ce panorama, long de près de 11 mètres, est le lent déroulement d’un paysage étape par étape. Il n’est pas une représentation objective des montagnes et des rivières mais une composition symbolique et harmonieuse d’une réalité. La peinture adopte une perspective éparse où chaque élément est habilement connecté (nuages, collines, ponts…). Contrairement à la juxtaposition des nénuphars dans la peinture de Monet, Wang Xi Meng trouve l’équilibre dans la place accordée au vide. Dans les Nymphéas, la composition est dense. Chaque espace est rempli, jusqu’à laisser imaginer que la scène se poursuit hors du cadre. Yu Bo m’explique que la peinture chinoise, comme l’art des jardins, reposent sur la pensée Taoïste. Les interstices sont autant de moments de respiration qui créent le rythme et donc la vie. 

Monet, quant à lui, construit la dynamique par les formes libres, dépourvues de contours structurels et les couleurs diffuses qu’il donne aux nénuphars. Mon interlocutrice insiste sur l’approche davantage scientifique de la peinture occidentale. « Les Nymphéas » sont l’étude de la lumière changeante et de leurs mouvements successifs sur l’eau. Monet capture une scène vivante qu’il étudie, fige et immortalise.  

Ainsi Monet choisit une hypothétique stabilité quand Wang Xi Meng privilégie la transition.

Notre échange se termine par ces mots de Yu Bo : “Selon moi, la peinture chinoise est une peinture de la suggestion d’une présence, tandis que la peinture occidentale en est son affirmation.”

Merci à Yu Bo d’avoir partagé son regard sur les Nymphéas de Monet.

Claude Monet, « Les Nymphéas » at Musée de l’Orangerie, Paris, 2006 – Photo : Jacques Demarthon / AFP