On the occasion of his exhibition Etrangement Beau at the galerie Paris-Beijing, ACA project met Zhuo Qi (b. 1985, Fuxin) a Chinese artist based in France for 15 years. Presented until March 6th 2021, the exhibition showcases a new series made by the artist during a one-month residency at the Martell foundation in 2020.
Could you tell us a bit more about your background?
I have studied art exclusively in France and Switzerland. I graduated from the l’Ecole des Beaux-Arts of Le Mans with the high honours. I then continued my studies at the Haute école d’art et de design of Geneva and at l’Ecole Nationale Supérieure d’Art of Limoges where I entered the Kaolin program as a postgraduate student.
Why did you decide to study in France?
At the age of eighteen I decided to leave China to come to France to study art. The artistic education I had received up to that point was focused mainly on the modern period and the essential role Paris had within it. My friends and I wanted to come to Paris to admire all the works of Cezanne, Picasso and Matisse we had heard so much about. That’s why I left China to come to France.
In your early works, you have worked a lot with ceramics. How did you develop your interest in this material?
I discovered the technique of ceramics by chance while in France. At the beginning I was interested in the material itself and especially porcelain. What I find most interesting in porcelain and ceramic is that it is manmade. It can’t be found in nature, it combines two materials: kaolin and porcelain stone. The second aspect in porcelain that I wanted to explore is its history. Porcelain is a material that travelled a lot through history and has been transformed many times and in many ways because of cultural exchanges. The history of porcelain is made of the confrontation and combination of different cultures. This leads to hybridizations, sometimes bizarre, that are compelling and that I like to question. Furthermore, the history of porcelain echoes my own story; hence I continue to explore this material and make it a line of research in my work.
In 2020 you have been invited by the Fondation d’entreprise Martell for a one-month residency. You had the opportunity to work with a glass-blower workshop. The result of the residency is currently exhibited at the galerie Paris-Beijing. What was the starting point of your reflection?
The foundation gave me carte blanche for this residency. I wanted to delve deeper into the two concepts of combination and confrontation I already developed in my early works. Throughout my ceramic experiments, I had to deal with a lot of breakage; porcelain is a complex and demanding process. This made me think about the notion of restoration, which was the starting point of the first series. In addition, glass is a material that has been worked more in Europe than in China. Porcelain and the word glass in Chinese were created in China concomitantly. But the craftsmen preferred to develop porcelain rather than glass. This crucial moment in history interests me.
Could you describe a bit more your new series of works?
I produced two series during the residency. In the first one, which is not exhibited, I restored ancient broken Chinese porcelains by filling the lacks with blown glass. I liked the idea of conflict between the two materials – glass and porcelain – and the two cultures – East and West.
In the second series I was inspired by the analysis that art has always been destroyed by humans and still is. Hence I went to China to collect and make copies of ancient Buddhist sculptures damaged throughout history. To do so, I selected sculptures dating from the arrival of Buddhism in China, around 200 AD, a time when this foreign religion was persecuted and its art deliberately destroyed. The period between 200 and 800 AD is a turning point for Buddhism in China as the religion gradually changed from being a foreign religion to adapt to Chinese culture. In the sculpture, the Indian influence disappears to become completely Chinese. In this series, I tried to interrogate the concept of confrontation from this angle. I had this idea in mind before and the residency à the Fondation Martell helped me to realise it.
What has been your process to produce the series exhibited at the galerie Paris-Beijing?
It is important to mention that the residency at the foundation fully supports experimentation. Initially, as I had never worked with glass before, I had to learn and understand its limits. I had to make sure the ancient sculptures and porcelains would support the thermal shock when the hot glass was applied to them. I then had to find the right timing in which to apply the hot glass but already solid enough on the sculptures. The glass is only put on the sculptures so I worked on finding the right balance. Each piece is unique and can’t be recreated twice. The moment when glass and stone meet is therefore very crucial to this work.
What inspires you?
Reality in general inspires me, and also the absurdities of this era.
What are your upcoming projects?
In order to continue working with porcelain, next April I will be participating in a residency in Meissen, another important centre for porcelain in Europe. I would also like to continue exploring working with glass.
Interview by Camille Despré – February 2021
À l’occasion de son exposition « Etrangement Beau » présentée à la galerie Paris-Beijing jusqu’au 6 mars 2021, ACA project a rencontré Zhuo Qi (né en 1985 à Fuxin), artiste d’origine chinoise établi en France depuis une quinzaine d’années. L’exposition est le fruit d’une résidence d’un mois à la Fondation d’entreprise Martell à Cognac où l’artiste a été invité en 2020.
Quelle est votre formation ?
Je me suis formé exclusivement en France et en Suisse, tout d’abord à l’Ecole des Beaux-Arts du Mans où j’ai reçu les félicitations du jury. J’ai ensuite effectué un post-diplôme à la Haute école d’art et de design de Genève puis à l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Limoges dans le programme KAOLIN.
Pourquoi avoir choisi de venir étudier en France ?
À 18 ans, j’ai fait le choix de quitter la Chine pour venir en France. En effet, l’enseignement artistique que j’avais reçu jusqu’alors en Chine insistait beaucoup sur la période moderne et donc sur le rôle essentiel joué par Paris à cette époque. Avec quelques-uns de mes amis nous voulions voir ces œuvres dont nous avions tant entendu parlé. C’est pourquoi nous sommes venus en France.
Dans vos premiers travaux, vous vous intéressez particulièrement à la céramique. Comment s’est développé votre intérêt pour cette technique ?
C’était un peu un hasard. J’ai découvert la technique de la céramique en France. J’ai été intéressé au début par la matière. Au fur et à mesure, je me suis rendu compte que ce qui me plaisait dans la céramique et la porcelaine plus particulièrement c’est que c’est une matière inventée par l’homme. La porcelaine ne se trouve pas dans la nature, elle résulte du mélange de deux matériaux : du kaolin et de la pierre à porcelaine. Le deuxième aspect qui m’intéressait c’est que c’est un des matériaux qui a le plus voyagé, qui a le plus été transformé au gré des échanges culturels. L’histoire de la porcelaine est le fruit de la confrontation et du mélange de différentes cultures. Il en résulte des hybridations, parfois étranges, qui m’interpellent et que j’aime à questionner. Cette histoire de la porcelaine fait échos à ma propre histoire et donc j’ai voulu continuer à explorer ce matériau.
En 2020, vous avez été invité par la Fondation Martell pour une résidence d’un mois. Vous avez eu l’opportunité de travailler avec des souffleurs de verre. Le résultat de vos expérimentations est présenté actuellement à la galerie Paris-Beijing. Quel a été le point de départ de votre réflexion ?
J’avais carte blanche pour cette résidence et j’ai voulu continuer à explorer les concepts de mélange et de confrontation que j’avais déjà développés dans mes œuvres précédentes. Au gré de mes expérimentations en porcelaine, j’ai dû faire face à beaucoup de casse, la porcelaine est une technique complexe et exigeante. Cela m’a amené à réfléchir à la notion de restauration qui a été le point de départ de la première série. De plus, le verre est un matériau qui a été plus travaillé en Europe qu’en Chine. La porcelaine et le mot qualifiant le verre ont été créés en Chine de manière concomitante. Mais les artisans ont préféré développer la porcelaine plutôt que le verre. Ce moment crucial dans l’histoire m’intéresse.
Pouvez-vous nous parler un peu plus du résultat de votre résidence à la Fondation Martell ?
J’ai effectué deux séries à la Fondation Martell. Dans la première série j’ai restauré d’anciennes céramiques chinoises cassées en comblant les manques par du verre soufflé. J’aimais l’idée de confronter ces deux matériaux et par là même les deux pôles culturels que sont l’Europe et la Chine.
La deuxième série a été inspirée par le constat que l’art a souvent été détruit dans l’histoire et continue de l’être aujourd’hui. Je suis donc allé en Chine et ai fait réaliser des copies de sculptures bouddhiques chinoises anciennes qui ont été cassées au cours de leur histoire. Pour cela, je me suis focalisé sur la période de l’arrivée du bouddhisme en Chine, aux alentours du IIe siècle de notre ère. C’est une période pendant laquelle la religion a été persécutée à de nombreuses reprises et ses représentations volontairement détruites. La période entre le IIe et le VIIIe siècle est charnière pour le bouddhisme en Chine. Progressivement, cette religion étrangère en provenance de l’Inde s’adapte à la culture chinoise. Dans l’art, on passe alors d’un canon de beauté indien à une esthétique proprement chinoise. C’est cette confrontation que j’ai voulu explorer dans cette série. J’avais déjà ce projet en tête et la résidence à la Fondation Martell a été l’occasion de le concrétiser.
Comment s’est passé le processus d’expérimentation pour arriver à ces pièces ?
Il faut savoir déjà que la résidence à la Fondation Martell est une résidence dédiée à l’expérimentation. Tout d’abord il m’a fallu appréhender ce matériau qu’est le verre et ses limites. J’ai également dû m’assurer que les anciennes sculptures et porcelaines tiennent le choc thermique lors de la confrontation des deux matériaux. Le verre est en effet appliqué chaud directement sur les pièces. Il faut trouver le bon équilibre pour poser les pièces dans le verre et le bon moment où le verre est encore chaud mais déjà suffisamment solide. Chaque pièce est unique et ne peut être recréée à l’identique. Le moment de la rencontre entre le verre et la pierre est donc crucial.
Qu’est ce qui vous inspire ?
La réalité en général m’inspire et particulièrement l’absurdité de notre époque.
Quels sont vos projets à venir ?
Toujours dans la volonté d’explorer le matériau qu’est la porcelaine, je vais bientôt effectuer une résidence à Meissen, haut lieu de la porcelaine occidentale. J’aimerais également continuer à explorer la technique du verre.
Entretien réalisé par Camille Despré – Février 2021