YUE MINJUN
Né en 1962 à Daqing, Chine. Diplomé de l’école Normale d’Hebei, département de peinture en 1983. Vit et travaille à Pékin
Born in Daqing, China in 1962. Graduated fromHebei Normal University, oil painting department in 1983. Currently lives and works in Beijing.
Yue Minjun est un des artistes les mieux côtés au monde. C’est dans la communauté d’artistes du village du Yuanmingyuan, près de Pékin, au début des années 1990, qu’il commence à définir son style ainsi que les contours de son principal sujet: le rire. Au même moment se développe en Chine un nouveau courant artistique dont Yue Minjun a souvent été considéré comme un des principaux représentants, le « réalisme cynique ». Marqués par un climat social tout à fait différent de celui des années 1980 et par l’ouverture de l’économie chinoise au marché mondial, ces jeunes artistes rompent à la fois avec le « réalisme socialiste » et avec les avant-gardes. Ils portent un regard plus acerbe et moins idéaliste sur leur environnement: «C’est pour cela que le fait de sourire, de rire pour cacher son impuissance a [une grande] importance pour ma génération », dit Yue Minjun en parlant de ses débuts. .
Ses portraits, d’abord inspirés ses amis, se fondent peu à peu dans un seul et même visage, celui de Yue Minjun, apparaissant dès lors comme autant de miroirs reflétant ce que chacun veut y voir: une caricature de l’uniformisation de la société chinoise, un moyen de survivre dans un monde devenu absurde, ou une simple forme d’autodérision de la part de l’artiste. La reproduction de ce rire se révèle dans le même temps source inépuisable de possibles graphiques, les mêmes personnages aux traits immuables et stylisés occupant seuls la toile ou se démultipliant à l’infini. Mises en scène de façon caricaturale, cocasse, poétique ou tragique, ces étranges figures héritent des codes de certains dessins animés où tout semble possible et où l’absurde devient norme.
Yue Minjun déploie dans ses tableaux une esthétique qui lui est propre à la manière d’un scénario au déroulé secret. S’y côtoient les hauts lieux publics de la Chine, voitures de marque, avions et dinosaures, ou encore les références à l’imagerie populaire chinoise et à l’histoire de l’art, en des jeux d’assemblages et d’associations d’images où chaque signe reste ouvert à l’interprétation. Ainsi l’artiste brouille-t-il les repères dans le tableau The Execution, inspiré de La Mort de l’Empereur Maximilien de Mexico d’Édouard Manet (1868) dont tous les protagonistes sont remplacés par des personnages souriants, avec au second plan une évocation directe de l’enceinte de la Cité interdite. De même, dans la série évoquant la question de l’absence dans l’image, il reproduit à l’identique les tableaux des grands maîtres de la peinture occidentale ou certains grands tableaux de l’histoire populaire chinoise, en les vidant de l’ensemble de leurs personnages. Ne subsiste que le fond, véritable décor de théâtre désert révélant des paysages lunaires et des architectures surprenantes ou méconnaissables. Face à cette capacité de variation infinie, le visiteur se perd dans un jeu aussi dépourvu d’issue que les immenses paysages labyrinthiques de l’artiste.
Au tout début j’ai préféré peindre mes amis, puis j’ai évolué vers l’autoportrait. Je considère que pour l’artiste existe la question du pouvoir. L’artiste doit avoir le droit de se peindre lui-même. Les artistes de la Révolution culturelle n’avaient qu’un seul devoir, celui de représenter le président Mao. Il s’agissait d’une mission glorieuse. Or aujourd’hui non seulement je peux façonner ma propre image, mais en plus je peux l’utiliser dans toutes sortes de scènes. Elle peut même avoir d’autres fonctions encore inexploitées. C’est pourquoi je dis toujours que si l’artiste fait partie du spectacle, il peut ne pas seulement être acteur, il peut aussi être metteur en scène de sa propre image et se faire participer à n’importe quelle scène de son choix, prise au hasard dans les cinq siècles passés ou à venir de l’histoire. En société, répondre par quelque chose qui s’apparente au rire sert en règle générale à exprimer le bonheur. On me dit toujours: Tu devrais sourire, car c’est là l’expression du bonheur.»
Parmi les messages contemporains du peintre adressés à son gouvernement, la suggestion d’un ralentissement du rythme de progression de la société chinoise afin que les individus puissent se caler, une fois pour toute, sur un pas collectif plus calme, plus harmonieux. Un apprentissage de la vie sur une base plus stable, d’après Yue Minjun. La vitesse, la compétition, synonymes de déséquilibre, engendrent un sentiment d’ »abandon » et d’ »isolement » chez l’individu, mauvais présage pour l’évolution d’une société dans son ensemble, insiste-t-il. Yue Minjun n’a jamais caché sa fascination pour l’insurrection symbolique transpirant du travail de Geng Jianyi, un artiste fondamentaliste anti-autorité basant son oeuvre sur la recherche. Né en 1962 de parents militants socialistes, adhérents du mouvementChinese People’s Liberation Army, Geng Jianyi a grandit dans un pays à la puissance étatique d’une rigidité extrême, entre la fin des années 1960 et le début des années 70. Ainsi, Geng Jianyi et Yue Minjun traduisent une expérience des désillusions engendrées par l’échec et la froideur du modèle communiste. (dernier paragraphe : Marion Calviera, © PAM 2014)
Source: Fondation Cartier
Yue Minjun’s paintings, with their colorful iconography, peopled by enigmatically laughing characters, reinvent the grotesque and its codes, while expressing an ironic and disillusioned vision of the social and political situation in contemporary China, as well as of the human condition in the modern world. Featuring nearly 50 paintings from collections around the world, a significant selection of sculptures from the garden in his Beijing studio, as well as a wide array of drawings that have never been shown to the general public, this exhibition will reveal the singular and complex aesthetic of an oeuvre that defies all interpretation.
Yue Minjun first took up painting as a hobby. He went off to study art at Hebei Normal University in Shijiazhuang in 1985 and then joined the artistic community in Yuan Ming Yuan, a village near Beijing, in the early 1990s. It was there that he started to define his style and to sketch out the contours of what would become his main theme: laughter. In addition, Yue Minjun came to be seen as one of the leading representatives of “Cynical Realism,” a new art movement that emerged in the wake of the incidents in Tian’anmen Square in 1989. Affected by the tightening of societal controls, as well as by the opening up of the Chinese economy to the world market, young artists broke away from the “Socialist Realism” and the “Critical Realism” of the early 1980s to offer a more caustic and less idealistic vision of their society. “That’s why the act of smiling, laughing to mask feelings of helplessness has such significance for my generation,” says Yue Minjun about his beginnings as an artist.
Initially inspired by the artist’s friends, the portraits gradually merged into a single face: that of Yue Minjun himself. His face thus becomes a multitude of mirrors that reflect whatever one wants to see in them: a caricature of the homogenization of Chinese society, a way of “grinning and bearing it” in a world that has become absurd or, quite simply, a form of self-derision on the part of the artist. At the same time, this laugh, repeated over and over again, provides the artist with a never-ending supply of pictorial possibilities: the same characters with their stylized and unchanging traits are depicted alone or reproduced ad infinitum. Portrayed in ludicrous, comic, poetic or tragic situations, these strange figures have inherited the codes associated with certain cartoons in which anything seems possible and absurdity becomes the norm.
Beyond any narrow categorization, Yue Minjun has developed an idiosyncratic aesthetic of his own like a narrative with a secret plot. Well-known public places in China are combined with luxury cars, airplanes, and dinosaurs, as well as with references to popular Chinese culture and art history, to create collages and image associations in which every sign remains open to interpretation and the artist allows himself complete freedom of expression.
In his painting Execution, based on The Execution of the Emperor Maximilian of Mexico by Édouard Manet (1867), the artist thus seems to delight in baffling the viewer. He replaces all of the original protagonists with smiling figures, and in the background, clearly alludes to the wall around the Forbidden City—the wall that can be seen from Tian’anmen Square. Similarly, in the Absences series, he recreates exact replicas of masterpieces by famous Western or Chinese artists, but removes all of the characters. Nothing is left but the background, a stage set in a deserted theater, revealing lunar or romantic landscapes, curious or unrecognizable architectures.
This potential for endless variation plunges viewers into a maze that, like the artist’s enormous labyrinthine landscapes, offers no clear way out. That is what makes Yue Minjun’s work, which has evolved continuously since the 1990s, so powerful and, at the same time, so subtle. Through repetition and variation, each painting inter-resonates with the others part of a larger set. By bringing these unsettling and enigmatic pieces together and exhibiting them, for the first time ever, in the same space, the extraordinary visual power of this body of work will thus be brought to light.
Source : Fondation Cartier
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