by Ambrine Lazreug-Didier
It all started this summer, with a visit to the Jacquemart André Museum, where I met Yang Yi, a young painter who received the congratulations from the Beaux-Arts de Paris, to discover the Paul Signac exhibition, « Les Harmonies Colorées ».
Yang Yi’s work captures light and thereby develops a surprising spectrum of colors. I found it interesting then to have her « Chinese look » on a neo-impressionist painter who himself went to hunt light and its colors in the Gulf of Saint-Tropez, in Brittany and as far as Dunkirk.
However, the more we move on the exhibition rooms, the more I notice Yang Yi’s puzzled gaze. “Why do western works need to be so contextualized?” she finally asks me.
Chinese paintings rarely have titles that refer to the places where they were painted. For example, the roll « Temple at Dusk » (1930) by Gao Jianfu shows the access to Qingyun Temple. There is a long flight of steps that lead up to the entrance of a high temple. In the foreground, the staircase seems drowned in fog or submerged by undulating waves. Does the building appear to be suspended in the air, or perhaps it overlooks the sea? The vegetation is plunged into the mist, only a few branches piercing the bottom appear. The elements do not make it possible to distinctly recognize the place represented, they are only subtle and indefinite spatio-temporal clues.
At the same time, in 1926, Paul Signac produced « Le Pont Royal. Floods » in Indian ink. Unlike Gao Jianfu’s painting, the architecture leaves no room for doubt, we are on the banks of the Seine.
Curls of smoke emanating from the chimneys distinctly draw the sky, while in Gao Jianfu’s work the sky exists by blurring and flowing.
With Signac, the viewer is at the heart of the action. In the middle of the day, the machines are working and people are busy. Gao Jianfu’s painting is more of an inner journey, like his composition. A fervent defender of the modernization of China and its arts, he nevertheless takes up the tradition of the Shanshui (mountain-water) landscape initiated by the Song dynasty (960-1279). Read from bottom to top when the roll is vertical, our gaze, and therefore our thoughts, are invited to climb the steps to reach the temple. The subject represented is then more a space of reflection than of representation.
In both paintings, it is about displacement. While Signac, passionate about navigation, makes us travel to the ports of France, Gao Jianfu offers us a spiritual navigation, which takes place between landscapes that are not fixed but floating.
Yang Yi explains to me that what she loves about Chinese landscapes is that the place is never defined. That there can be a transposition from one place to another. “This is basically logical because the sight of a landscape is only perceptible by the light shining on it. And this light can be everywhere” she says to me.
In her last exhibition, Yang Yi reproduced on the walls the shadows cast from places she had visited recently. Thus extracted, we found in the exhibition room a « piece » of light from a Parisian apartment where she had lived or another which had come to deposit in her studio one spring afternoon. As in Chinese paintings, she creates spaces that are neither real nor totally imagined.
In the West to be rational is “to have your feet on the ground” and not to be “is to have your head in the stars”, this conversation with Yang Yi has proved to us that this dichotomy between heaven and earth, the true and the ideal do not exist in China.
Thank you Yang Yi for your Chinese gaze and your artistic gaze.
UN REGARD CHINOIS SUR… LES OEUVRES DE PAUL SIGNAC
Tout commence cet été, par une visite au Musée Jacquemart André, où je retrouve Yang Yi, jeune peintre Félicitée de l’Ecole des Beaux-Arts, pour découvrir l’exposition Signac, « Les Harmonies Colorées ».
Le travail de Yang Yi capture la lumière et développe par là même un spectre de couleurs surprenants. Je trouvais intéressant alors d’avoir son “regard chinois“ sur un peintre néo-impressionniste qui est lui-même allé chasser la lumière et ses couleurs au Golfe de Saint-Tropez, en Bretagne et jusqu’à Dunkerque.
Or, plus nous avançons dans les salles d’exposition, plus je constate le regard perplexe de Yang Yi. “Pourquoi les œuvres occidentales ont-elles besoin d’être autant contextualisées ?” finit-elle par me demander.
Les peintures chinoises ont rarement des titres qui se réfèrent aux lieux où elles ont été peintes. Par exemple, le rouleau « Temple au crépuscule » (1930) de Gao Jianfu montre l’accès au temple Qingyun. On y voit une longue volée de marches qui mène jusqu’à l’entrée d’un temple en hauteur. Au premier plan l’escalier paraît noyé dans le brouillard ou submergé par des vagues ondulantes. Le bâtiment semble suspendu dans les airs, ou peut-être surplombe-t-il la mer ? La végétation est plongée dans la brume, seules quelques branches perçant le fond apparaissent. Les éléments ne permettent pas de reconnaître distinctement le lieu représenté, ils ne sont que des indices spatio-temporels subtiles et indéfinis.
A la même période, en 1926, Paul Signac réalise à l’encre de Chine « Le Pont Royal. Inondations. » Contrairement à la peinture de Gao Jianfu, l’architecture ne laisse pas de place au doute, nous sommes sur les quais de Seine.
Des volutes de fumées qui émanent des cheminées dessinent distinctement le ciel, tandis que dans l’œuvre de Gao Jianfu le ciel existe par estompage et écoulement.
Chez Signac, le spectateur est au cœur de l’action. En pleine journée, les machines fonctionnent et les hommes s’activent. La peinture de Gao Jianfu est plutôt de l’ordre du cheminement intérieur, comme sa composition. Fervent défenseur de la modernisation de la Chine et de ses arts, il reprend pourtant la tradition du paysage Shansui (Montagne-eau) initié par la dynastie des Song (960-1279). Lu de bas en haut lorsqu’il s’agit d’un rouleau vertical, notre regard, et par là-même notre pensée, sont invités à gravir les marches pour s’élever jusqu’au temple. Le sujet représenté est alors davantage un espace de réflexion que de représentation.
Dans les deux peintures, il est question de déplacement. Tandis que Signac, passionné de navigation, nous fait voyager dans les ports de France, Gao Jianfu nous propose une navigation spirituelle, qui se fait entre des paysages qui ne sont pas figés mais flottants.
Yang Yi m’explique que ce qu’elle aime dans les paysages chinois, c’est que le lieu ne soit jamais défini. Qu’il puisse y avoir une transposition d’un lieu à un autre. “C’est au fond logique car la vue d’un paysage n’est perceptible que par la lumière qui les éclaire. Et cette lumière peut-être partout.” me dit-elle.
Dans sa dernière exposition, Yang Yi, avait reproduit sur les murs, les ombres portées des lieux qu’elle avait fréquentés récemment. Ainsi extrait, on retrouvait dans la salle d’exposition, un “morceau” de lumière issu d’un appartement parisien où elle avait vécu ou un autre qui était venu se déposer dans son atelier un après-midi de printemps. Comme dans les peintures chinoises, elle crée des espaces qui ne sont ni réels, ni totalement imaginés.
En Occident être rationnel c’est “avoir les pieds sur terre” et ne pas l’être “c’est avoir la tête dans les étoiles”, cette conversation avec Yang Yi nous a prouvé que cette dichotomie entre le ciel et la terre, la vrai et l’idéal n’existe pas en Chine.
Merci Yang Yi pour ton regard chinois et ton regard d’artiste.