FOCUS – ARTJOG 2025

by Amirahvelda Priyono //

(English version below) //

ARTJOG 2025, « Motif : Amalan » – fin de la trilogie

Evénement artistique annuel organisé dans la ville indonésienne Yogyakarta, ARTJOG se déroule actuellement jusqu’au 31 août 2025 au Musée national de Jogja. Cette année voit s’achever la trilogie « Motif », initiée par Hendro Wijoyo, commissaire depuis 2023, avec la série intitulée « Amalan » (Pratique) qui présente l’idée de reconstruire la pratique artistique et la fonction de l’œuvre d’un point de vue esthétique. Ce concept permet de réunir des œuvres sélectionnées tout aussi bien pour leur dimension esthétique que sociale et politique.

« Amalan » succède donc à « Lamaran » (Proposition) (2023) et « Ramalan » (Prophétie) (2024), organisées sous le même titre principal « Motif », qui signifie idées ou motivation. Le premier thème, « Lamaran », invitait à une forme d’appréciation pour les créateurs des œuvres. Le deuxième thème, « Ramalan » ne faisait pas seulement référence à la prophétie, mais réinventait également les moments passés tout en se tournant vers l’avenir, sans faire de prédictions incertaines. Pour ce thème final, comment les artistes mettent-ils en pratique les motifs qui ont façonné la communauté et en tirent-ils un apprentissage ? En réponse à ce sujet, ce sont plus de 20 artistes indonésiens et étrangers qui présentent leurs œuvres, explorant des idées variées et des supports immersifs.

Installation view, « Secret of Eden » by Anusapati, ARTJOG 2025. Photo by Ariyanto Nugroho

L’un d’entre eux, Anusapati, un sculpteur indonésien, a été sélectionné comme artiste commissionné pour présenter une œuvre d’art traitant des questions environnementales. Son œuvre intitulée « Secret of Eden » examine deux problèmes fondamentaux résultant de la cruauté humaine envers la nature. Sur deux étages, il évoque les dommages environnementaux causés par l’exploitation forestière et minière à grande échelle. Le premier niveau explore le processus souterrain d’excavation, qui ne laisse rien derrière lui. Au deuxième étage, sur le toit, l’artiste a planté des arbres sans feuilles, posés sur une surface en ciment. Il a également collaboré avec Tony Maryana, un artiste vocal, pour enrichir son œuvre de sons naturels, tels que ceux de la terre, des insectes, des métaux, de l’eau, du vent et bien d’autres encore, intégrés dans l’espace clos entre les racines et les arbres.

Une autre artiste qui a retenu notre attention est Maharani Mancanagara (née en 1990), basée en Indonésie, qui pratique le dessin, l’installation, la peinture et l’impression. Son œuvre intitulée « Paturon Ing Lelayu, Tembung ing Isining Ati » (2025) fait référence à son passé familial et à son grand-père décédé, qu’elle n’a jamais connu et qui a été accusé d’appartenir au Parti communiste indonésien (PKI) en 1965, et conséquemment incarcéré dans trois centres pénitentiaires. Elle est composée de trois cabines téléphoniques placées dans une pièce faiblement éclairée. Les téléphones filaires, autrefois très utilisés pour communiquer, en particulier dans les prisons et les centres de détention, rappellent comment les récits se construisent à travers l’histoire orale. Comme le suggère le titre en javanais, qui signifie « dormir dans le requiem », beaucoup de non-dits définissent encore la tragédie de 1965, en particulier au sujet des innocents.

Explorant les thèmes de l’identité, des frontières, de la vie matérielle et de l’urbanisme, Aditya Novali (né en 1978) puise son inspiration de ses études d’architecture. Pour cette édition d’ARTJOG, il a créé « Tender Notes » (2025), utilisant l’histoire monétaire de l’Indonésie comme archive visuelle de l’image que le pays s’est forgée de lui-même. Les dessins, inspirés des billets de banque indonésiens depuis 1945, reflètent l’identité et l’unité nationales à travers des représentations de bâtiments, de paysages et de personnages, définissant l’histoire dans des contextes à la fois modernes et contemporains. Il présente son œuvre de manière inhabituelle en utilisant une peinture rotative, qui s’active deux fois par jour, symbolisant l’instabilité politique, économique, culturelle et des croyances personnelles, tout en permettant de multiples interprétations à travers divers gestes. À travers « Tender Notes », Novali souligne que la singularité de l’histoire peut être appréhendée à travers la signification nationale.

Installation view, « Tender Notes » by Aditya Novali, ARTJOG 2025 – Photo by Ariyanto Nugroho

Herru Yoga (né en 1989) présente trois peintures intitulées « After Picasso, Guernica », « The Black Funeral » et « Breaking the Silence » qui dépeignent les traumatismes collectifs tels que la guerre, les violences physiques et le génocide, qui ont façonné la communauté actuelle. Inspiré par le célèbre tableau de Picasso, « Guernica » (1937), et par l’évolution des études de portraits corporels à travers les œuvres de Francis Bacon (1910-1992), il utilise des tons vifs plutôt que des couleurs sombres, combinant des techniques baroques et d’expressionnisme abstrait avec le vert et le bleu comme couleurs primaires. Cherchant à rappeler les peintres indonésiens du passé qui se concentraient souvent sur les paysages, il met en évidence l’instabilité, le chagrin et la tragédie causés par l’inhumanité et la banalité.

Enfin, pour son œuvre « Pulse of Togetherness » (2025), Sultan Putra (né en 1998) s’inspire d’une ancienne tradition japonaise pratiquée dans les sanctuaires shintoïstes ou bouddhistes, appelée « omikuji », qui consiste à jeter des pièces de monnaie dans la boîte de dons destinée aux rituels et aux prières. Il crée une œuvre participative où les pièces symbolisent l’espoir, le travail acharné et la contribution. Le travail de Putra met l’accent sur l’esthétique de l’interaction sociale entre l’artiste, l’œuvre et le public en créant un espace inclusif qui reflète les personnes qui créent de l’art pour la communauté.

En outre, ARTJOG organise chaque année le Young Artist Award, un prix qui promeut les artistes indonésiens émergents sur la scène internationale. Le jury, présidé par l’artiste Eko Nugroho, a évalué 16 finalistes âgés de moins de 35 ans. Cette année, le prix a été décerné à trois artistes : S. Urubingwaru (Kediri, Java oriental), Faelerie (Wonosobo, Java central) et Veronica Liana (Surabaya). Leurs œuvres, aux pratiques variées, illustrent avec complexité et fascination, l’histoire et le quotidien. Urubingwaru présente des installations picturales inspirées du « gebyok », une cloison intérieure faite d’une grande planche de bois décorée et sculptée. Veronica utilise du tissu en fibre de coton pour créer des installations tridimensionnelles représentant des objets du quotidien que l’on trouve dans les maisons, tels que des ustensiles de cuisine, un ordinateur portable, des jouets pour enfants, etc. Enfin, Faelerie choisit le tricot comme pratique artistique pour représenter la fragilité et relier de petits gestes à quelque chose de plus grand et de plus significatif. 

Après les deux autres thèmes présentés, « Amalan » met donc cette année l’accent sur l’importance de la valeur de l’art pour la communauté dans les contextes politiques, environnementaux et sociaux. La plupart des œuvres réunies intègrent des récits personnels des artistes, liés à des événements historiques et à la vie sociale en Indonésie, offrant des perspectives singulières et inestimables. Cette édition d’ARTJOG sert non seulement d’avertissement, mais montre également comment certains problèmes spécifiques ont transformé ou influencé nos interactions et nos réactions face aux événements actuels.

Installation view, « Rupa Tan Mantra » by Veronica Liana, ARTJOG 2025 – Photo by Sito Adhi Anom

Unfolding the Final Trilogy ARTJOG 2025, MOTIF: AMALAN

An annual art event in Yogyakarta, ARTJOG is currently taking place until 31 August 2025 at the National Jogja Museum, Indonesia. This year continues the third series of the ‘Motif’ trilogy theme, initiated by Hendro Wijoyo, curator since 2023. Titled ‘Amalan’ (Practice), it presents the idea to reconstruct the artistic practice and function of the artwork from an aesthetic perspective. This concept serves to bring together artworks for their aesthetic, social, and political aspects.

‘Amalan’ succeeds to ‘Lamaran’ (Proposal) (2023) and ‘Ramalan’ (Prophecy) (2024), curated under the same main title ‘Motif’, which means ideas or motivation for doing something. The first theme, Lamaran, was a form of proposal and appreciation for those who have created artworks in various patterns. For the second theme, Ramalan did not only refer to prophecy but also reimagined past moments and looked forward to the future without making uncertain predictions. Regarding the final theme, how do the artists practise the patterns that have shaped the community and learned from the outcomes? More than 20 Indonesian and overseas-based artists present their works following the theme, exploring immersive ideas and mediums.

One of them is Anusapati, an Indonesian sculptor, who has been selected as a commissioned artist to present an artwork addressing environmental issues. His work titled ‘Secret of Eden’, examines two significant issues resulting from human cruelty towards nature. He utilises two floors to convey the environmental damage caused by large-scale forest exploitation and mining. The first floor delves into the underground process of excavation, which leaves nothing behind. On the second floor, or rooftop, the artist planted leafless trees, set on a cement surface. He also collaborated with Tony Maryana, a voice artist, to enhance his artwork. For this occasion, he composed natural voices, such as ground, insects, metals, water, wind, and many more in the enclosed space between roots and trees.

Installation view, « Paturon Ing Lelayu, Tembung Ing Isining Ati » by Maharani Mancanegara, ARTJOG 2025 – Photo by Ariyanto Nugroho

Another artist that caught our attention is Maharani Mancanagara (b. 1990), based in Indonesia, who uses drawing, installation, painting, and print. Her artwork, titled ‘Paturon Ing Lelayu, Tembung ing Isining Ati’ (2025) relates to her family past and her late grandfather who she never met, and who was accused of involvement with the Indonesian Communist Party (PKI) in 1965 and consequently incarcerated to three prison centres. It depicts three telephone booths in a dimly lit room. The inline telephones, once popular for communication – especially in prisons and detention centres – remind of how narratives are formed through oral history. As the title in Javanese suggests – meaning sleeping in requiem –  many unsaid things remaining to define the tragedy of 1965, particularly for the innocent.

Examining identity, boundaries, material life, and urbanism, Aditya Novali (b. 1978) draws on his influences from his architecture studies. For this ARTJOG edition, he created ‘Tender Notes’ (2025), using Indonesia’s currency history as a visual archive of the nation’s constructed self-image. The drawings, inspired by Indonesian banknotes since 1945, serve as a reflection of national identity and unity through depictions of buildings, landscapes, and figures, defining history in both modern and contemporary contexts. He unusually presents his work by using a rotatable painting, which activates twice a day, symbolising the instability across politics, economics, culture, and personal beliefs, as well as allowing for multiple interpretations through various gestures. Through ‘Tender Notes’, Novali emphasises that the singularity of history can be engaged with through national meaning. 

Herru Yoga (b. 1989) presents three paintings titled ‘After Picasso, Guernica’, ‘The Black Funeral’, and ‘Breaking the Silence’ which depict collective trauma that has shaped the community today, such as war, physical abuse, and genocide. Inspired by Picasso’s renowned painting, ‘Guernica’ (1937), and the evolution of body portrait studies through Francis Bacon’s (1910-1992) artworks, he uses bright tones instead of dark colours, combining Baroque and abstract expressionism techniques with green and blue as his primary colours. Aiming to remind of past Indonesian painters who often focused on landscapes, he highlights the instability, grief, and tragedy caused by inhumanity and banality.

Installation view, « Pulse of Togetherness » by Sultan Putra, ARTJOG 2025 – Photo by Ariyanto Nugroho

Lastly, the work ‘Pulse of Togetherness’ (2025) by Sultan Putra (b. 1998) draws inspiration from an ancient Japanese tradition at a Shinto or Buddhist shrine called ‘omikuji’, consisting in tossing coins into the donation box for rituals. This is a participatory piece where coins symbolise hope, hard work, and contribution. Putra’s work emphasises the aesthetics of social interaction between the artist, artwork, and audience in creating an inclusive space that reflects people making artwork for the community.

Besides, ARTJOG also hosts the annual Young Artist Award to promote emerging Indonesian artists on the international stage. The jury, led by artist Eko Nugroho, evaluated 16 finalists under the age of 35. This year, the award was presented to three artists: S. Urubingwaru (Kediri, East Java), Faelerie (Wonosobo, Central Java), and Veronica Liana (Surabaya). Their works span various media and demonstrate compelling complexity, history, and everyday life. Urubingwaru features installations in painting inspired by ‘gebyok’, a partition wall inside a house made from a large wooden board with decorations and carvings. Veronica employs cotton fibre fabric for a three-dimensional installation creating everyday objects found in houses, such as kitchenware, a laptop, children’s toys, and more. Finally, Faelerie chooses knitting threads as her artistic practice to depict fragility and connect small actions into something larger and meaningful. 

After the other two themes presented, this year ‘Amalan’ emphasises the importance of art’s value in political, environmental, and social contexts for the community. Most selected artworks incorporated the artists’ personal narratives relating to historical events and social life in Indonesia, offering various and valuable perspectives. This edition of ARTJOG not only serves as a warning about recent issues in our environment but also demonstrates how these specific problems have transformed or influenced our interactions and responses to the present.

Installation view, « The World Farewell Parade » by S. Urubingwaru, ARTJOG 2025 – Photo by Sito Adhi Anom

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