Nam June Paik

NAM JUNE PAIK

Nam June Paik © TV Buddha, 1974
Nam June Paik © TV Buddha, 1974

« Michel-Ange de l’art électronique », « missionnaire visionnaire », « terroriste culturel », les qualificatifs ne manquent pas pour évoquer ce pionnier de l’art vidéo qu’est Nam June Paik, né en Corée en 1932 et installé [par la suite] à Düsseldorf et New York. De ses premières performances aux installations multi médias, en passant par les bandes vidéo, les « télévisions préparées » et les « sculptures vidéo », la contribution de N. J. Paik à l’histoire et au développement de l’art vidéo est considérable. Avec un sens aigu de l’humour et de la provocation, il élabore sans répit des stratégies vouées à déconstruire et réinventer le langage, le contenu et la technologie de la télévision. « L’art vidéo, ce n’est pas seulement un écran et une bande, c’est la vie toute entière ».

Après avoir étudié la musique à Tokyo, Nam June Paik part pour l’Allemagne en 1956 et entre, deux ans plus tard, au laboratoire de recherche du studio de musique électronique de Radio Cologne, où travaillent Karlheinz Stockhausen, René Köring, Kagel. Dans le même temps, N.J. Paik présente ses propres « actions concerts » et gagne une certaine notoriété au cours d’interventions surprenantes : il coupe la cravate de John Cage, jette des oeufs sur le public, plonge dans des baignoires, réduit en miettes pianos et violons. En 1961, il rencontre George Maciunas, le fondateur de Fluxus, et poursuit, dans le cadre de ce mouvement, concerts et performances.

Se développant aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, Fluxus s’essaie à toutes les fusions, et mêle musique, action, arts plastiques et verbe. La personnalité de John Cage plane au-dessus de toutes les têtes et des liens se tissent entre des artistes tels que Joseph Beuys, George Brecht, Wolf Vostell, George Maciunas, Robert Filliou et tant d’autres. Des concerts, expositions et performances se multiplient, à New York et dans toute l’Europe, de Moscou à Nice. Fluxus devient international.

Fort de ces expériences menées au sein de ce mouvement, N.J. Paik investit un nouveau médium : l’image électronique. En 1963, il présente à la Galerie Parnass de Wuppertal une « Exposition de musique et de télévision électronique ». On y voit, posés à même le sol, treize téléviseurs préparés (sur les modèles des « pianos préparés » de J. Cage), branchés sur des générateurs de fréquences, ne diffusant rien d’autre que des images composées de zébrures et de striures. La télévision abstraite est née, et le geste de N.J. Paik ouvre la voie à l’art vidéo. L’image électronique, qui peut être travaillée de façon nouvelle, peut désormais s’aborder sous un angle radicalement différent et original.

Nam June Paik © Reclining Buddha, 1994
Nam June Paik © Reclining Buddha, 1994


À la fin des années 60, une révolution technique va bouleverser le monde de la télévision : l’invention de la cassette vidéo, qui va permettre une large distribution de l’art vidéo. Selon une légende tenace, N.J. Paik – installé à New York dès 1964 – achète le premier Sony portable mis sur le marché et réalise le jour même sa première bande, en filmant la visite du Pape Paul VI. À la même époque, il rencontre la violoncelliste Charlotte Moorman avec qui il réalise de nombreuses performances, comme « l’Opéra Sextronique » (1967), interrompu par la police qui arrête les deux protagonistes pour outrage à la pudeur, ou « T.V. Bra for Living Sculpture » (1969), où deux moniteurs T.V. (diffusant en direct les images des premiers hommes sur la lune) servent de soutien-gorge à la violoncelliste. Déclinant installations, sculptures, bandes vidéo et diffusion par satellite, il met à l’épreuve les nombreuses facettes de ce qu’il nomme « la télévision expérimentale ».

Monument incontournable de l’art vidéo, « Global Groove » est certainement la plus connue des nombreuses bandes vidéo que N.J. Paik réalise. Fortement influencé par les théories sociologiques de Marshall Mac Luhan, ce manifeste pour une culture basée sur la communication universelle s’inscrit volontairement dans un monde saturé par les médias. Les images se superposent frénétiquement, des publicités japonaises de Pepsi Cola interfèrent avec des performances d’artistes. Humphrey Bogart et Richard Nixon font de brèves apparitions…« Ceci est un aperçu de la vidéo de demain, lorsque vous aurez accès à toutes les télévisions du monde et que le programme T.V. sera aussi épais qu’un annuaire téléphonique. » Ainsi commence « Global Groove » qui, par un éclectisme typiquement post moderne, par l’affirmation d’une syntaxe radicalement innovante, confère à l’image cathodique un nouveau statut.

Fasciné par la notion de temps, N.J. Paik donne à ce tissu même de notre existence une nouvelle dimension. « Pouvons-nous inverser le temps ? » se demande-t-il dans l’un de ses travaux. Opérant des mélanges détonnants, il alterne les séquences accélérées avec les plans immobiles, le documentaire avec l’image de synthèse, les textes sacrés avec les annonces publicitaires, l’Est avec l’Ouest. Une étrange unité temporelle émerge de ses compositions et sert de fil conducteur dans nombre de ses réalisations.

Celles-ci ont pu être réalisées grâce à plusieurs innovations technologiques, comme le synthétiseur vidéo mis au point en 1970 par N.J. Paik et l’ingénieur Shuya Abe. Cet outil a révolutionné la technologie de la vidéo. À l’aide de quelques boutons, il est devenu possible de séparer toute forme de son contenu. À tout moment, la figure peut désormais être transformée, multipliée, voire même pulvérisée. Elle est ainsi constamment menacée d’un retour au point électronique qui la constitue sur le tube cathodique et n’existe de ce fait que dans le temps. Et ce dernier peut s’arrêter, s’inverser, se condenser.

Un tel instrument découle de la conception de l’image propre à N.J. Paik. En pionnier, il prit conscience d’une des spécificités fondamentales de l’image électronique. Contrairement à la pellicule cinématographique qui, de par sa sensibilité à la lumière, reproduit de façon irréversible des fragments de la réalité, l’image vidéographique dépend d’une information digitalisée et est de ce fait constituée de points susceptibles d’être recomposés à l’infini. Dès lors, tout est possible : l’artiste peut créer à volonté des espaces fictifs, des associations fantastiques où l’incessante métamorphose des images impose au médium un temps circulaire, opposé au temps linéaire du cinéma.

Marc-Olivier Wahler, Source : MAMCO

Nam June Paik © Electronic Super Highway, Continental US, Alaska, Hawaii, 1995
Nam June Paik © Electronic Super Highway, Continental US, Alaska, Hawaii, 1995

Composer, performer, an outstanding artist and visionary, who introduced electronic media into contemporary art. Author of first video works, interactive installations, video sculptures and media objects, juxtaposing popular culture with philosophy and the strategies of mass media. Born in Seoul, studied philosophy, art history and music theory in Tokyo. He continued his music studies in Munich and Freiburg. In 1958-1963 he lived and worked in Cologne, in the contemporary european avant-garde circles, which is the date of creation of his first famous compositions, his musical actionism performances, an intensive collaboration with the Fluxus movement, and experiments with television. His first exhibition, Exposition of Music – Electronic Television (1963), presenting prepared television sets, has become the historical date of birth of media art.

In 1964, Paik moved to New York, where, together with cellist Charlotte Moorman, he initiated a series of performances joining video, interaction and music. During this period, Paik was also dealing with the technological capabilities of TV and video. Together with engineer Shuya Abe, he developed an electronic image synthesizer in the laboratories of New York TV broadcaster WNET.

His first retrospective exhibition took place in 1976 in Kunstverein, Cologne. Throughout the following years, Paik joined important artistic events, including a satellite broadcast at documenta 6 (1977) together with Joseph Beuys and Douglas Davies, a first artistic project to make use of transatlantic satellite communication. In 1978, Paik became a Europe’s first video art lecturer at Düsseldorf Academy of Fine Arts and in 1987 he was invited to become a member of the
Berlin Academy of Arts. Together with Hans Haake he received the gold medal for the presentation in the German Pavilion at Venice Biennale, 1993. He collected numerous awards from such institutions as the Guggenheim Museum, the Rockefeller Foundation, the American Film Institute and the Picasso Medal from UNESCO. His individual exhibitions took place in the most important galleries and museums, and his works became a part of many splendid collections around the
world.

In 1999, an influential American artistic magazine ARTnews, recognized him a one of the 25 most influential artists of the century.

Nam June Paik died in Miami on January 29, 2006.

Source : WRO Center

Nam June Paik © Technology, 1991
Nam June Paik © Technology, 1991