MAEL BELLEC – MUSEUM CURATOR

For our 5th anniversary, we contacted Maël Bellec, Curator at Cernuschi museum, to share with us his point of view on the art scene from Asia.

Could you introduce yourself and tell us how you are related to the contemporary art scene from Asia?

As the curator of a museum of Asian arts, whose activity has been largely devoted to contemporary art for more than seventy years, I have to work on a recurring basis on modern and contemporary plastic expressions from Asia, especially China and Korea. In this context, I provide art curating, contribute to implement the acquisition policy of the Cernuschi Museum, try to enhance the existing collections and have a research activity, unfortunately quite modest, on artists and subjects related to contemporary art.

According to you, what are the characteristics and specificities of this scene?

The question is both too precise and too vague. Many contemporary artistic expressions in Asia have specificities that allow to recognize or suspect their origin, but there is no stable marker that allows to identify with certainty as Asian each of the productions from this region of the world. The question therefore only makes sense when reduced to subsets or taken in a very broad sense that allows us to highlight some interesting themes explored by many Asian artists, but not all of them. For example, the desire to succeed in creating contemporary expressions through the use of the traditional medium of ink painting has been a constant in China, Korea and Japan for decades, but it is only a characteristic of a part of the artistic scene.

Lee Jin Woo (né en 1959), sans titre, 2016, papier hanji et charbon de bois, 137,7 x 137,7 cm, M.C. 2016-59. Don anonyme © Musée Cernuschi

How did you notice this scene has evolved these past 5 years?

A specialist in the art market would answer better to such a question. My job involves following the market with a certain distance. Some of the most fashionable or expensive artists are not necessarily the creators who should be given priority in the collections of a museum that has already built a particular identity in the modern and contemporary field. My perception of recent developments in Asian artistic scenes is therefore conditioned by the subjects on which I work in the museum. We are, for example, very interested in the tensions in China between globalized expressions and a desire to return to local cultural and artistic specificities, in the predominance of the process over the visual result in many Korean works or in the time lags between birth and development of ceramics as an art in its own right in the various countries of the Far East.

Would you say there is one Asian art scene or several Asian art scenes?

From all my previous answers, I believe you can infer my preference for pluralizing this term. I would also have a preference for certain blur effects, when it comes to defining these varied artistic scenes. While it seems complicated to me to offer a broad and homogeneous definition of contemporary Asian art, it also seems difficult to me to put forward definitions that would tend to lock artists into pre-established and overly rigid categories. These different scenes, these different fields, have relationships with each other. It therefore appears useful to be able to regularly change the point of view when considering them. We can just as easily question the history and specific characteristics of contemporary ink in Korea as we can consider this production as one of the manifestations of a movement of updating ancient artistic practices on a continental scale. The two approaches are valid and are not mutually exclusive.

Could you tell us about a memorable event you experienced?

The ceremony held at the museum in honor of Han Mook, when he was then 101 years old, was a moment to remember. It took place after an exhibition in which several of his works had been included and it was an official recognition of the work produced by this artist, who arrived in France as early as 1961. It is important that this ceremony took place before his death the following year and I was happy that the organizers wanted all of this to take place at the museum. These are quite fair rewards, like when the action of the museum has a positive effect on an artist’s career. Happily, it happens sometimes.

Interview by Lou Anmella and Dorian Reunkrilerk – October 2020

Fong Chung-Ray (né en 1934), Painting #2017-12-6, techniques mixtes sur toile, 127 x 101,5 cm, M.C. 2019-178. Achat © Musée Cernuschi

Pour nos 5 ans, nous avons demandé à Maël Bellec, Conservateur au Musée Cernuschi, de nous partager son point de vue sur la scène artistique d’Asie.

Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer vos liens avec la scène artistique contemporaine d’Asie ?

En tant que conservateur d’un musée d’arts asiatiques, dont l’activité est consacrée en grande partie à l’art contemporain depuis plus de soixante-dix ans, je suis amené à travailler de manière récurrente sur les expressions plastiques modernes et contemporaines d’Asie, plus particulièrement de Chine et de Corée. Dans ce cadre, j’assure des commissariats d’exposition, concours à mettre en œuvre la politique d’acquisition du musée Cernuschi, tente de valoriser les collections existantes et ai une activité de recherche, malheureusement assez modeste, sur des artistes et des sujets liés à l’art contemporain.

Selon vous, quelles sont les caractéristiques et les spécificités de cette scène ?

La question est à la fois trop précise et trop vague. Les expressions artistiques contemporaines en Asie présentent pour beaucoup d’entre elles des spécificités qui permettent de reconnaître ou de soupçonner leur provenance, mais il n’y a aucun marqueur stable qui permette d’identifier avec certitude comme asiatique chacune des productions issues de cette région du monde. La question n’a donc de sens que ramenée à des sous-ensembles ou prise dans un sens très large qui permet de mettre en avant quelques thèmes intéressant de nombreux artistes asiatiques, mais pas tous. Par exemple, la volonté de parvenir à créer des expressions contemporaines par l’emploi des moyens traditionnels de la peinture à l’encre est une constante en Chine, en Corée et au Japon depuis des décennies, mais ne caractérise qu’une partie de la scène artistique.

Comment avez-vous remarqué que cette scène a évolué au cours des 5 dernières années ?

Un spécialiste du marché de l’art serait plus à même de répondre à une telle question. Mon travail suppose de suivre le marché avec une certaine distance. Certains des artistes les plus en vogue ou les plus chers ne sont pas nécessairement les créateurs qui doivent entrer en priorité dans les collections d’un musée ayant déjà construit une identité particulière dans le domaine moderne et contemporain. Ma perception des évolutions récentes des scènes artistiques asiatiques est donc conditionnée par les sujets sur lesquels je travaille au sein du musée. Nous nous intéressons par exemple beaucoup aux tensions en Chine entre des expressions globalisées et une volonté de retour à des spécificités culturelles et artistiques locales, à la prédominance du processus sur le résultat visuel dans de nombreuses œuvres coréennes ou aux décalages temporels entre la naissance et l’essor de la céramique comme art à part entière dans les différents pays d’Extrême-Orient.

Tsai Jung-Yu (né en 1944), Simple, honnête et tolérant, 2019, grès et bleu de cobalt sous couverte, 11,5 x 19,2 cm, M.C. 2019-3. Achat © Musée Cernuschi

Diriez-vous qu’il existe une scène d’art contemporain d’Asie ou plusieurs scènes ?

De toutes mes réponses précédentes, je crois que vous pouvez déduire ma préférence pour la mise au pluriel de ce terme. J’aurais également une préférence pour certains effets de flou, lorsqu’il s’agit de définir ces scènes artistiques variées. S’il me semble compliqué d’offrir une définition large et homogène d’un art contemporain asiatique, il me semble également délicat d’avancer des définitions qui tendraient à enferrer les artistes dans des catégories préétablies et trop rigides. Ces différentes scènes, ces différents champs, entretiennent des relations les uns avec les autres. Il apparaît donc utile de pouvoir changer régulièrement les focales quand on les considère. On peut tout aussi bien s’interroger sur l’histoire et les caractéristiques spécifiques de l’encre contemporaine en Corée que considérer cette production comme l’une des manifestations d’un mouvement de réactualisation de pratiques artistiques anciennes à l’échelle continentale. Les deux approches sont valides et ne sont pas exclusives.

Pourriez-vous partager avec nous un souvenir ou une expérience mémorable ?

La cérémonie organisée au musée en l’honneur de Han Mook, qui avait alors 101 ans, fut un moment mémorable. Cela venait à la suite d’une exposition dans laquelle on avait inclus plusieurs de ses œuvres et constituait une reconnaissance officielle du travail fourni par cet artiste, arrivé dès 1961 en France. C’est important que cette cérémonie ait eu lieu avant sa mort l’année suivante et j’ai été heureux que les organisateurs souhaitent que tout cela se déroule au musée. Ce sont des retours assez gratifiants, comme lorsque l’action du musée a un effet positif sur la carrière d’un artiste. Cela arrive parfois, heureusement.

Propos recueillis par Lou Anmella et Dorian Reunkrilerk – Octobre 2020