ACA PROJECT x ART OF CHANGE 21 – INTERVIEW YAO LU

En partenariat avec l’association Art of Change 21, qui relie l’art contemporain et les grands enjeux environnementaux, ACA project a eu le plaisir d’échanger avec l’artiste chinois Yao Lu.

Yao Lu (姚璐), né en 1967 à Pékin où il vit et travaille, est professeur de photographie à l’Académie Centrale des Beaux-Arts de Chine. Le processus de travail de Yao Lu est long et complexe : au cours de ses pérégrinations à travers la Chine, il photographie sous plusieurs angles des paysages de décharges ou des amas de débris qu’il a préalablement nappés d’un filet vert. Il réalise ensuite un photomontage composé de détails tirés de ses clichés, auxquels il ajoute des éléments et des effets caractéristiques de la peinture classique chinoise.

Yao Lu, View of Autumn Mountains in the Distance, 2008, giclee print on collectible paper, 80x80cm

Votre travail sensibilise aux effets de l’urbanisation et ses conséquences sur l’environnement. Quelle est l’importance de ces enjeux pour vous ? 

Je suis né à Pékin, et je porte un fort intérêt et un grand amour pour les habitants et l’histoire de cette ville. Pékin subit actuellement des changements sans précédent. Un grand nombre de constructions anciennes disparaissent en un instant sous la poussée des chariots élévateurs, et sont remplacées par de gigantesques bâtiments en béton et de larges routes. Pékin grandit et gonfle comme un ballon et de ce fait ces éléments qui évoquent l’histoire et le passé à ses habitants deviennent de moins en moins nombreux. Ce qui aura été perdu restera en mémoire pendant un certain temps, avant l’arrivée d’une nouvelle génération, à laquelle un vide sera laissé. Ce qui restera aux générations futures, ce sont de nouveaux édifices simples et répétitifs sans caractéristiques, l’humanité de la ville aura disparu sans laisser de traces. Bien sûr, Pékin n’est qu’un exemple classique, ce « mouvement » se répète dans toute la Chine. Tous ces désastres sont provoqués par le « développement » et la « modernisation ». Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ces questions, lorsque j’ai créé cet ensemble d’œuvres. Ces ruines s’apparentent également aux déchets qui s’accumulent tout autour de nous. Tout cela contribue à l’ambiance dans laquelle je crée mon travail, qui est lourde et sentimentale.

Vos œuvres sont réalisées en photomontage et prennent l’apparence de peintures traditionnelles chinoises. Pourquoi avoir choisi cette technique ? Pourquoi cette évocation historique ? 

La principale raison est la ressemblance des montagnes d’ordures ramassées avec nos paysages verdoyants, l’association à ce style s’est donc faite naturellement. Je ne me suis pas référé à un style particulier de peintres anciens car ce n’était pas nécessaire. Au lieu de cela, j’ai adopté la forme de la peinture traditionnelle chinoise pour retranscrire ma réalité, car la forme à elle seule suffit. Toutefois, au cours d’une longue période de recherche, j’ai été profondément impressionné par les travaux de Huang Gongwang, Ni Zan, Tang Yin, Wen Zhengming.

Tout au long du processus de production, j’ai utilisé une diversité de moyens et de techniques, tels que la prise de vue sur site, la numérisation d’images, le téléchargement de visuels en ligne, etc. Le principe directeur était de se conformer à la peinture, y compris les dimensions du fichier, les perspectives, la correspondance de la scène à la peinture, etc.

Pensez-vous que les philosophies ancestrales chinoises peuvent nous inspirer pour mieux vivre en harmonie avec la nature ? 

J’ai toujours pensé que les êtres humains devaient respecter et honorer la nature. Notre démesure et notre aveuglement détruisent actuellement les montagnes et les rivières qui se sont formées au cours de millions d’années. Notre meilleure option est de s’améliorer ne serait-ce qu’un peu, il nous faut veiller à ne pas détruire cet équilibre.

La pensée chinoise ancienne parle d’ « harmonie ». Je pense que les êtres humains doivent enfin se réveiller et apprendre à coexister avec la nature.

De plus en plus de Chinois prennent conscience de l’importance des problèmes environnementaux et de la menace qui pèse sur la culture traditionnelle, et travaillent activement à leur préservation. Mais cela prendra beaucoup de temps.

Comment votre travail est-il perçu en Chine ? 

La forme de mes œuvres est compréhensible pour les Chinois car elles rappellent des peintures chinoises très classiques. Bien sûr, en ce qui concerne les idées qui y sont véhiculées, un peu de discernement s’impose.

L’environnement est-il, comme en Europe, un thème de travail ou d’engagement qui concerne de plus en plus d’artistes ? 

C’est vrai, les questions environnementales sont une préoccupation majeure pour toute l’humanité, et de nombreux artistes que je connais ici ont également commencé à aborder ce sujet. Depuis 2008, je participe à de nombreux salons, forums et conférences sur l’environnement. C’est un sujet qui se développe depuis plus de 10 ans.

Je pense qu’en tant qu’artiste, le plus important est d’avoir son propre point de vue artistique. A mon sens, un artiste est un intellectuel qui possède des savoir-faire techniques voire technologiques. Ses œuvres doivent s’efforcer d’exprimer ses émotions et son véritable état intérieur.

Quels sont vos projets à venir?

J’ai récemment terminé quelques séries d’œuvres dans lesquelles le thème du « paysage vert » s’est progressivement estompé, tandis que les préoccupations pour la survie humaine et notre espace de vie restent centrales. De plus, j’explore également les « NFT » dont l’arrivée a influencé les possibilités créatives.

Conversation avec Lou Anmella-de Montalembert et Alice Audouin

Article également publié sur Art of Change 21 pour l’Impact Art News #39  Juillet/Août/Septembre 2022

Le travail de Yao Lu a récemment été présenté au sein de l’exposition L’Impermanence de toute chose organisée par OPENART Advisory+Projects.

Yao Lu, Wine Boat on Pine Creek, 2012, giclee print on collectible paper, 137x97cm

In partnership with the non-profit organisation Art of Change 21, which connects contemporary art and major environmental issues, ACA project was pleased to interview Chinese artist Yao Lu.

Yao Lu (姚璐), born in 1967 in Beijing, is a Beijing-based artist and Professor of Photography at the Central Academy of Fine Arts. Yao Lu creates landscapes from landfills and piles of litter, covering them with a green net before photographing them from different angles. Next, he creates a photomontage made up of details taken from his pictures, to which he adds elements and effects characteristic of classical Chinese painting.

Your work raises awareness of the effects of urbanisation and its consequences on the environment. Why are these issues important to you? 

Yao Lu: I was born in Beijing, and I have a strong interest and love for the city’s inhabitants and history. Beijing is currently undergoing unprecedented changes. A large number of ancient things vanish in an instant due to the impetus of forklifts, and are replaced by high concrete buildings and wide roads. Beijing is growing like an inflated balloon, but those things that can evoke people’s memory of history and the past are becoming fewer and fewer. The lost things will remain in people’s memory for a period of time, and after a generation has passed, there will be a blank, and what will be left to future generations are simple and impetuous new buildings with no character, the humanity of the city having disappeared without a trace. Of course, Beijing is just a typical case, this “movement” is being repeated all over China. All of these disasters are brought about by “development” and “modernisation.” When I created this body of work, I couldn’t help but think about this issue. These ruins also refer to the garbage all around us. All of this contributes to the mood in which I create my work, which is heavy and sentimental.

Your works are made from photomontage and take on the appearance of traditional Chinese paintings. Why did you choose this technique? Why this historical evocation?

YL: The main reason is that the mountains of garbage collected are very similar to our green landscapes, so it associates naturally to this style. I did not refer to a particular style of ancient painters because it wasn’t necessary. Instead, I adopted the form of ancient Chinese traditional painting to transcribe my reality because the shape by itself is sufficient. However, during the lengthy research process, I was deeply impressed by the works of Huang Gongwang, Ni Zan, Tang Yin, Wen Zhengming.
Throughout the production process, I used a variety of means and techniques, such as on-site shooting, image scanning, downloaded online images, and so on. The guiding principle was to conform to the painting, including the file size, perspectives, whether or not the scene fits the picture, etc.

Do you think that ancient Chinese philosophies can inspire us to live better in harmony with nature?

YL: I’ve always believed that humans should respect and revere nature, because our disorder and blindness harms the mountains and rivers that have formed over thousands of years. Ancient Chinese thought speaks of “harmony”. We need to improve even just a little, so we do not destroy the equilibrium that exists. Human beings must finally wake up and learn to coexist with nature.
More and more Chinese people are becoming aware of the importance of environmental issues and the threat to traditional culture and are actively working to preserve them, but this will take a long time.

How is your work perceived in China?

YL: The form of these works is understandable to Chinese people because they are very typical Chinese paintings. Of course, as for the ideas conveyed in the pictures, a little understanding is required.

Are artists based in China becoming more and more concerned with the environment?

YL: That’s right, environmental issues are a major concern for all of humanity, and many artists I know here have also begun to address this issue. Since 2008, I have taken part in numerous exhibitions, forums and conferences on environmental topics. It’s an area that has been developing for more than 10 years.
I think, as an artist, the most important aspect is to have my own point of view. An artist, in my opinion, is an intellectual who has technical or even technological capabilities. Our work should strive to express our emotions and our true inner state.

What are your upcoming projects?

YL: I’ve recently completed two or three series of works, and in them “green landscape” has gradually faded from my themes, while concerns for human survival and our living space remain central. Furthermore, the new “NFT” form has influenced creative possibilities, which I am also exploring.

Conversation with Lou Anmella-de Montalembert and Alice Audouin

Conversation also published on Art of Change 21, for Impact Art News #39 July/August/September 2022

The work of Chinese artist Yao Lu was recently part of the exhibition “Impermanence of All Things”  presented by OPENART Advisory+Projects.

Yao Lu, Early Spring on Lake Dong Ting, 2008, giclee print on collectible paper, 80x80cm