by Shoko Hayashi-Moreau
Le Musée Cernuschi à Paris présente actuellement une exposition consacrée à trois pionniers de l’art moderne vietnamien en France : Lê Phô (1907-2001), Mai-Thu (1906-1980) et Vu Cao Dam (1908-2000). Cette rétrospective inédite permet de comprendre comment l’art occidental a influencé le travail de ces artistes et leur a permis de trouver une voix singulière en fusionnant l’art moderne d’Occident et leur héritage traditionnel. De leurs œuvres émerge une nouvelle forme d’expression artistique qui transcende les frontières culturelles.
Ces trois artistes ont reçu leur formation à l’École des beaux-arts de Hanoï en Indochine (Vietnam actuel), un établissement construit dans le cadre de la politique du gouvernement à l’époque de la colonisation française. Si ce lieu était initialement destiné à l’enseignement des techniques et de l’esthétique occidentales aux artistes locaux, le directeur de l’école, le peintre Victor Tardieu, a joué un rôle crucial dans le développement de leur reconnaissance. Il ne s’est pas contenté d’enseigner, mais a aussi activement soutenu et accompagné les artistes en réfléchissant à la manière dont ils pourraient développer leur carrière artistique.
Répondant aux attentes de leur mentor, les artistes n’ont pas simplement imité les techniques occidentales mais ont réussi à les fusionner avec leur propre culture. En particulier, ils ont habilement incorporé dans leurs œuvres des matériaux orientaux traditionnels et délicats, tels que la laque et la soie, au modernisme occidental. Cette synthèse unique entre traditions orientales et influences occidentales constitue l’une des caractéristiques les plus remarquables de leur travail.
L’exposition introduit ainsi la manière dont les artistes ont cherché à intégrer les techniques traditionnelles dans leur pratique. Des dessins de motifs et d’architecture vietnamiens traditionnels sont exposés aux côtés d’études qu’ils ont réalisées pour maîtriser les techniques et les perspectives occidentales, illustrant parfaitement cette fusion unique des styles. Ce processus révèle également une certaine ironie : ces artistes, en répondant aux attentes de leurs clients occidentaux, ont dû s’inscrire dans un orientalisme recherché, pour le meilleur et pour le pire.
Par leur capacité à synthétiser leurs racines culturelles avec des influences occidentales, Lê Phô, Mai-Thu et Vu Cao Dam ont non seulement enrichi le patrimoine artistique du Vietnam, mais ont aussi façonné une forme d’expression artistique transculturelle inédite. Poussés à approfondir leur propre culture et à développer un style unique, leur héritage continue d’inspirer la nouvelle génération d’artistes vietnamiens.
En regard de cette exposition, le musée Cernuschi accueille une installation contemporaine de l’artiste vietnamienne-américaine Phi Phi Oanh (née en 1979 aux États-Unis), intitulée “Parties inaliénables”. Empreinte du buste de l’artiste, l’œuvre prend la forme d’une cuirasse laquée inspirée des armures antiques, intégrant un casque de Viêt Minh et des matériaux modernes comme le kevlar. Cette armure composite, qui symbolise l’identité hybride de l’artiste façonnée par l’influence de différentes cultures et époques, soulève des questions sur la protection, l’identité et la mémoire, tout en mettant en lumière les contradictions idéologiques héritées des tumultes de l’histoire.
The Cernuschi Museum in Paris is currently hosting an exhibition dedicated to three pioneers of Vietnamese modern art in France: Lê Phô (1907-2001), Mai-Thu (1906-1980), and Vu Cao Dam (1908-2000). This unprecedented retrospective offers insight into how Western art influenced their work and helped them find a unique voice by merging modernism from the West with their traditional heritage. From their works emerges a new form of artistic expression that transcends cultural boundaries.
These three artists received their training at the École des beaux-arts in Hanoi, an institution established as part of the French colonial government’s policy. While this school was initially meant to teach local artists Western techniques and aesthetics, the director of the school, painter Victor Tardieu, played a crucial role in the development of their recognition. He did not simply teach, but also actively supported and mentored the artists, thinking about how they could develop their artistic careers.
Responding to the expectations of their mentor, the artists did not merely imitate Western techniques; they succeeded in blending them with their own culture. In particular, they skillfully incorporated traditional Oriental materials such as lacquer and silk into their works, alongside Western modernism. This unique synthesis of Eastern traditions and Western influences is one of the most striking features of their art.
The exhibition showcases how the artists sought to integrate traditional techniques into their practice. Drawings of traditional Vietnamese motifs and architecture are displayed alongside studies they made to master Western techniques and perspectives, perfectly illustrating this unique fusion of styles. This process also reveals a certain irony: these artists, in responding to the demands of their Western clients, were compelled to conform to a sought-after Orientalism, for better or worse.
Through their ability to synthesize their cultural roots with Western influences, Lê Phô, Mai-Thu, and Vu Cao Dam not only enriched Vietnam’s artistic heritage but also shaped a new form of transcultural artistic expression. Encouraged to delve deeper into their own culture and develop a unique style, their legacy continues to inspire a new generation of Vietnamese artists.
In parallel with this exhibition, the Cernuschi Museum is hosting a contemporary installation by Vietnamese-American artist Phi Phi Oanh (born 1979 in the United States), titled « Parties inaliénables (Inalienable Parts) ». The work, a lacquered breastplate inspired by ancient armor and incorporating a Viêt Minh helmet and modern materials like Kevlar, is cast from the artist’s own bust. This composite armor symbolizes the artist’s hybrid identity, shaped by influences from different cultures and time periods. The piece raises questions about protection, identity, and memory, while highlighting the ideological contradictions inherited from the tumultuous events of history.
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